Par Philippe MEIRIEU
"Depuis le début du vingtième siècle, et de manière si récurrente que
plusieurs commentateurs ont pu parler d’un “ bégaiement ” constitutif du
discours pédagogique, il est d’usage d’opposer une “ pédagogie centrée sur
l’enseignant ” et une “ pédagogie centrée sur l’apprenant ”. Dans la première, la
situation serait organisée autour de la prestation du maître : celui-ci dispense des
informations dont la validité scientifique et culturelle est avérée mais sans se
demander d’aucune manière si elles sont adaptées à ses élèves, intégrées dans
leur progression et participe de leur formation personnelle. Dans la seconde, la
situation serait organisée autour de la construction par l’élève de ses propres
connaissances : l’enseignant y devient une personne-ressource qui diagnostique
les besoins de chacun, lui fournit les documents et exercices adaptés,
l’accompagne dans un parcours individualisé. Dans la “ pédagogie centrée sur
l’enseignant ”, il s’agirait de séduire ou de capter un auditoire pour l’amener à
reproduire un comportement intellectuel standardisé. Dans la “ pédagogie
centrée sur l’apprenant ”, on mettrait en place des “ contrats ” à partir d’objectifs
négociés, avec le souci constant d’impliquer chacun dans la démarche, de le
rendre “ actif ” et de le faire participer à sa propre évaluation. Dans la première
règnerait la sélection drastique imposée par la règle du “ mimétisme
identificatoire ”. Dans la seconde se construirait progressivement un modèle de
réussite différenciée où chacun pourrait atteindre des objectifs différents mais
d’égale dignité."