Texte rédigé pour l'association TRANS-MAÎTRE
JPP, janvier 2013
Lorsque l'on envisage l'apprentissage de la lecture, il faut se placer
dans une démarche globale de découverte de la langue française dans
toutes ses dimensions. Un enseignement convenablement conduit, selon un
schéma clair et avec des maîtres bien formés, doit amener l'ensemble
d'une classe d'âge à maîtriser toutes les règles grammaticales et
orthographiques qui gouvernent notre langue. Cette maîtrise peut (et
devrait) être définitivement accomplie en une dizaine d'années
(autrement dit dès la sortie du collège).
La grande section et le cours préparatoire constituent en quelque
sorte les fondations de ce programme décennal que tous les enseignants se succèdant au chevet d'un élève gagneraient à connaître dans ses
différentes parties. Idéalement, l'ensemble de la chaîne pédagogique
d'un réseau scolaire devrait s'atteler à une mise en cohérence du
vocabulaire technique (particulièrement en grammaire et en
arithmétique), à l'établissement d'un programme
annuel/mensuel/hebdomadaire détaillé, ainsi qu'à une articulation
harmonieuse du plan de travail lors des passages d'une année à la
suivante.
L'ÉCRITURE / LA LECTURE
Au sens littéral, la lecture consiste à prononcer en syllabes des
signes conventionnels utilisant l'alphabet. Auparavant ces signes
eux-mêmes ont été tracés ou dactylographiés pour indiquer, grâce aux
combinaisons usuelles des lettres, les sonorités émises en parlant.
— Les exercices de lecture doivent donc être précédés et accompagnés
d'exercices destinés à assurer une prononciation correcte des formes
vocales. À cinq ou six ans, l'enfant n'est pas toujours en mesure de
bien prononcer les mots et son oreille ne sait pas encore démêler les
divers sons dont ils se composent. On y parvient en l'interrogeant sur
des choses familières, représentées autant que possible par des images
que l'on place sous ses yeux à chaque nouveau son étudié.
— Les exercices d'écriture doivent commencer par les éléments les
plus simples pour amener peu à peu l'enfant à reproduire les lettres
dans leur tracé cursif, minuscule d'abord, majuscule ensuite. En même
temps qu'on exerce l'oreille, on doit fortifier la main de l'élève par
des exercices gradués et habituer son œil à suivre et analyser les
traits qu'il doit reproduire. Que ce soit à l'aide d'un crayon ou par
l'intermédiaire d'un clavier, la transcription de la parole par
l'écriture passe toujours par l'intervention de la main qui juxtapose
une à une les lettres, dans un ordre déterminé.
DE L'ÉCRITURE, DE LA LECTURE ET BIEN DAVANTAGE...
L'apprentissage démarre par la découverte des premières associations
consonne/voyelle et par la composition de quelques blocs syllabiques de
base. Ces blocs élémentaires se combinent entre eux pour former des mots
(n/i—>ni, m/u—>mu, mu-ni—>muni). Ils seront enrichis chaque
jour. Cette étape fondamentale doit être conduite en prenant tout le
temps nécessaire ; elle permet déjà d'écrire et de lire un nombre
significatif de mots simples. Grâce aux exercices réguliers de
copie/dictée, en correspondance directe avec les leçons d'écriture et de
lecture, l'enfant apprend progressivement à écrire des syllabes, des
mots, des phrases ; il apprend aussi à se (re)lire et à corriger ses
erreurs.
Dans un processus de maturation identique mais beaucoup plus lent,
l'écriture s'automatisera elle aussi. Après quelques mois l'élève pourra
commencer à rédiger de petits textes très courts. Mais il faudra encore
bien des années avant que l'écolier/collégien, devenu lycéen puis
étudiant, s'approprie véritablement les subtilités rhétoriques et les
codes de l'écriture. Il saura alors développer, clarifier et exposer sa
propre pensée.
Dès la rentrée, l'apprentissage de l'écriture/lecture s'intègre à un
ensemble de connaissances. Au fil des journées, l'instituteur du cours
préparatoire est tel un architecte qui doit combiner la lecture
proprement dite (syllabation, épellation, déchiffrage...) avec des
leçons de choses (pour l'enrichissement du vocabulaire), des leçons de
grammaire (pour la bonne compréhension du sens des phrases), des
exercices divers de langage, des éléments de dessin, des notions de
calcul et de géographie… Ces différentes activités créent une variété
d'approches et une synergie au service de l'apprentissage de la lecture.
DU DÉCHIFFRAGE LABORIEUX À LA LECTURE EXPRESSIVE
— Dans les toutes premières semaines d'apprentissage, l'élève ne
devrait donc lire que ce qu'il sait écrire. La lecture (systématiquement
effectuée à voix haute) consiste provisoirement en un déchiffrage lent,
guidé par l'index, plus ou moins scandé (et cependant chaque jour mieux
assuré que la veille) qui permet de redonner aux mots leur forme vocale
et d'en comprendre immédiatement le sens (pour autant que le
vocabulaire soit préalablement connu du lecteur).
— L'étape suivante résulte de l'entraînement quotidien. Elle consiste
chez le lecteur novice à automatiser sa reconnaissance des mots et à
éviter ainsi l'effort du déchiffrage. L'élève lit couramment, sans son
doigt ; sa lecture devient rapide et fluide, quasiment sans effort de
réflexion pour déchiffrer.
— Enfin l'enfant lit sans la moindre hésitation, avec une intonation
expressive ; sa diction est inspirée directement du sens de l'énoncé. La
lecture peut être silencieuse.
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EN BREF
Une bonne méthode de lecture doit :
— S'appuyer sur la structure alphabétique de la langue et préconiser
la lecture à voix haute. Elle doit également lier le plus possible
écriture et lecture pour apprendre simultanément à lire ET à écrire.
— Être "méthodique" ; c'est à dire proposer un cheminement réfléchi
jusque dans le détail ; ne pas aller trop vite dans les premières étapes
afin d'assurer de solides bases. Son champ d'application ne débordera
pas du cours préparatoire ; l'idéal étant un apprentissage réparti sur
GS/CP (avec la même méthode évidemment).
— Mettre en confiance l'instituteur (ou le parent) qui l'adopte en
garantissant un pourcentage de réussite proche de 95 % (il demeurera
toujours les vrais dyslexiques...). Le procédé utilisé doit s'appuyer
sur un minimum d'effort pour un résultat maximum.
— Être "légère" (pas de livre du maître aussi copieux
qu'indigeste) tout en proposant la découverte de tous les phonèmes de la
langue, sans exception. Aucun mot non lisible par l'enfant ne sera
jamais offert à la lecture.
— Être économique à l'usage (ce qui signifie une reliure robuste, un
papier une impression de bonne qualité afin que le livre résiste
plusieurs années)
Enfin, le manuel d'apprentissage choisi et retenu (après fine analyse
comparative) sera celui qui convient le mieux à l'instituteur. Celui-ci
suivra scrupuleusement les conseils d'utilisation et se formera
sérieusement si cela est nécessaire.
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POUR BIEN TRAVAILLER
Il faut toujours conserver à l'esprit le rôle déterminant du
bien-être et de la dimension affective dans une relation
d'apprentissage.
— La reconnaissance de l'expertise de l'enseignant passe par
l'établissement d'un climat de confiance réciproque avec ses élèves et
avec les familles. Des relations sereines avec l'institution
(hiérarchie, collègues) sont également nécessaires afin de bénéficier,
au minimum, d'une bienveillance professionnelle.
— La motivation des élèves est fondamentale ; l'enseignant se doit
d'expliquer et de détailler régulièrement les étapes du parcours
d'apprentissage. En particulier lorsqu'il s'agit d'aider les élèves les
plus fragiles.
— Convaincu de la pertinence de ses choix, l'instituteur ne craint
pas le débat ; il ne cherche pas non plus la polémique stérile et
s'abstient donc de critiquer toute pratique qui n'est pas la sienne.